L’aube se levait sur un léger brouillard et la rosée étincelait d’une étrange lueur argentée sous le soleil matinal. La jeune ange dormait sur la branche d’un grand arbre. Les fleurs et les feuilles étaient encore à l’état de bourgeons mais Ayu sentait qu’elles seraient splendides et qu’elles donneraient de merveilleux fruits. Un rayon de soleil avait réussit à traverser les nuages blancs et laiteux étalaient dans le ciel bleu et se promenait sur le visage endormi de l’ange, ce qui la sortit de son sommeil. Elle resta cependant allongée encore quelques minutes à somnolait, profitant de ce paisible début de matinée. La journée s’annonçait très bien : le temps était radieux et promettait de continuer sur sa lancée et Ayu serait bientôt arrivée à destination, c'est-à-dire dans cette fameuse ville où une paix, certes instable mais une paix quand même, existait entre anges et démons. C’était sans doute le seul endroit où l’ange se sentirait vraiment à sa place car dans chaque ville qu’elle avait traversée durant son voyage, elle se sentait toujours exclue, décalée par rapport aux autres habitants. Elle espérait que cette ville lui permettrait de retrouver une certaine quiétude et si cette ville n’était que pure invention, elle en chercherait une autre, après tout l’espoir fait vivre …
Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas que le soleil avançait dans le ciel et il devait être dans les environs de midi quand la jeune fille émergea enfin de ses songes. Elle se mordit la lèvre d’avoir était aussi distraite. Elle n’entrerait dans la ville utopique que le lendemain car elle n’aurait jamais le temps de faire le trajet qui la séparait de cette ville. Elle décida tout de même de parcourir le plus de distance possible avant le coucher du soleil et elle voyagerait même une partie de la nuit s’il le fallait. Elle étira ses membres ankylosés tout en songeant à cela et déplia ses ailes blanches. Des petits craquements se firent entendre et Ayu battit prudemment ses ailes engourdies avant de s’envoler jusqu’au sol. Elle se regarda dans une flaque d’eau et se considéra immonde. Elle prit 10 minutes pour remettre ses plumes en place : elles partaient dans tous les sens à cause de la position qu’Ayu avait occupée cette nuit et toute la matinée. Elle se peignit les cheveux avec les doigts, faisant du mieux possible pour paraitre présentable même si c’était inutile vu qu’elle ne verrait personne aujourd’hui. Mais l’ange avait un complexe très gênant et ne se sentait à l’aise nulle part, surtout quand elle n’était pas sur son trente et un. Elle aurait tout le lendemain pour s’arranger au mieux avant son entrée dans la ville de ses rêves mais pour le moment son apparence lui parut convenable. Elle rejoignit alors le sentier par lequel elle avait pénétré dans la forêt et reprit son chemin vers cette fameuse cité.
Elle préférait voyager à pieds plutôt que de voler, car dans cette période, il valait mieux ne pas trop exhiber son espèce en public quand on n’était pas en position de force. Elle marchait avec légèreté et sans bruit sur le chemin de terre qui traversait une forêt dense et tranquille. Les arbres encore nus bourgeonnaient et le spectacle devait être encore plus impressionnant quand les arbres fleurissaient, encore plus apaisant quand les feuilles vertes et fraîches ombrageaient les lieux, encore plus chaleureux quand l’automne nuançait la verdure de tons rougeâtres et encore plus désolant quand la neige et le verglas recouvraient complètement la végétation dénudée.
On ne croisait pratiquement jamais personne en forêt et cela permettait d’éviter de faire de long détour. Ayu prenait ce raccourcie pour éviter les ennuis qui lui étaient tombés dessus, au début. En effet elle était souvent distraite et perdues dans ses pensées et on pouvait facilement s’en prendre à elle. Elle avait souvent fait les frais de son inattention et prenait maintenant garde à ce qu’elle faisait. Elle avait failli mourir tellement de fois qu’elle ne pouvait plus se permettre son insouciance, même si ses moments d’innocence lui manquaient horriblement. Elle espérait pouvoir les retrouver dans cette ville. Elle accéléra le pas, impatiente à présent de découvrir cette mystérieuse cité dont elle avait tellement entendue parler. Plus que quelques kilomètres et elle y serait enfin. Son enthousiasme l’emporta sur sa prudence et elle commença à courir à travers les troncs d’arbres. Le sol inégal la fit trébucher et elle se rattrapa de justesse à une branche basse qu’elle manqua de se prendre dans l’œil. Elle reprit un semblant de sérieux et sa marche si fit plus lente.
Elle marchait en évitant soigneusement les racines qui sortaient du sol et les branches basses et s’arrêta soudain, aux aguets. Elle avait entendu un bruit, quelque part sur sa droite. Elle tendait l’oreille mais aucun son ne se faisait plus entendre. Persuadée que quelque chose se trouvait belle et bien dans ces bois, elle jetait des coups d’œil furtif dans tous les sens, sentant comme une présence proche d’elle. Elle repéra un mouvement dans l’ombre d’un vieil arbre centenaire et prit une position défensive. Son cœur battait la chamade et elle faisait de gros efforts de concentration pour ne pas afficher son affolement sur son visage qu’elle voulait menaçant. Malheureusement, elle n’y croyait pas elle-même et les battements de son cœur s’intensifièrent, battant dans ses oreilles, et se firent plus assourdissants qu’auparavant. Elle parvient pourtant à se calmer, voyant que rien ne se produisait. Peut-être avait elle rêver, peut-être que c’était simplement un animal qui passait par là et qui avait fui en voyant Ayumu. Mais peut-être pas… Ayu respira un grand coup, reprenant ses esprits et son contrôle de soi. Elle dit alors d’une voix clair et calme, cachant tant bien que mal son angoisse :
« -Y a-t-il quelqu’un ?? »
De nouveau, Ayu entendit des bruits feutrés, mais sur sa gauche cette fois-ci. Elle tourna son regard méfiant vers une zone d’ombre derrière le tronc, où on pouvait voir une forme sombre, à une dizaine de mètres de là. Malgré sa bonne vue, l’ange ne sut déterminer ce que c’était et attendit que la forme dise quelque chose ou fasse un geste. La tension pesante augmenta encore d’un cran quand une voix s’éleva de l’ombre. La voix, douce et chantante, apaisa quelque peu la jeune fille qui baissa sa garde en restant toutefois sur le qui-vive.
